Une brodeuse multi talents.
C’est avec un plaisir non dissimulé que je lance la première série d’articles « Coup de projecteur sur… ». Le principe est simple : vous permettre de découvrir artistes et créateurs dans le monde de la broderie.
La diversité de leurs travaux, de leurs techniques et de leurs sources d’inspiration est d’une richesse infinie ! Pour ce premier article c’est Noelle Bardin alias Nwll. B qui a accepté de nous faire découvrir son univers. Plasticienne maniant le cuir, maroquinière, brodeuse haute couture, travaillant le métal, découvrez l’univers onirique de Nwll. B.
Un chemin de vie hors du commun
Lilou : Bonjour Nwll, voulez-vous vous présenter ?
Nwll : Je m’appelle Noelle Bardin, alias Nwll. B, j’ai 2 crapauds de 6 ans 3/4 (oui le 3/4 est très important) et de 2 ans et demi. J’ai 39 ans, je suis lyonnaise et j’ai un mari qui vaut tout l’or du monde.
Lilou : Vous avez raison ! Le ¾ est important ! Nwll, quel est votre parcours ?
Nwll : J’ai un chemin un peu particulier. En sortant du bac je voulais être égyptologue, malgré une passion pour l’Egypte ancienne, j’ai vite compris que j’aurais du mal à rester assise sur les bancs de la fac pendant 8 ans. Je me suis alors lancée dans le théâtre. Formée à l’acting studio par Joelle Sévilla (mère d’Alexandre Astier) et Alexis Hénon, j’ai erré comme comédienne et metteur en scène pendant 10 ans.
Lilou : Il me semble qu’en dehors de votre goût pour le jeu d’acteur vous écrivez également ?
Nwll : En effet, J’écris depuis l’enfance, scénarii, pièces de théâtre, contes et dernièrement roman tous centrés sur les femmes. Des femmes de pouvoirs, forte, sensuelles, dangereuses et énigmatiques.
Lilou : Votre parcours est assez étonnant : après le théâtre, la mise en scène, l’écriture, vous n’hésitez pas à vous engager dans une nouvelle aventure personnelle et professionnelle, vous pouvez nous en dire plus ?
Nwll : Il s’agit davantage d’une continuité que d’une nouvelle aventure. Je travaille sur les mêmes sujets depuis vingt ans, seul le medium évolue. Même si en effet, je suis venu sur le tard au travail de la main suite à une remise en question intense et un gros accident de la vie qui m’a mis par terre pendant 5 ans. Je reprends le dessus, j’ai un petit bonhomme qui arrive et je me forme au coaching. J’accompagne un moment des femmes en difficultés. Et une petite fille arrive. En parallèle, je cherche une activité pour m’aider à ralentir, à centrer mon esprit, à l’empêcher quelques instants de bouillonner et de se poser 1000 questions. Je découvre la peinture à l’aiguille et je me mets à broder, à chaque instant je brode, je fini un ouvrage et j’en recommence un. Seule en autodidacte.
Lilou : Et c’est à ce moment que vous avez eu besoin de donner du sens à ce que vous avez appris en broderie.
Nwll : on me demandait constamment, mais que vas-tu en faire ? Quelles sont tes projets ? Où vais-je dans quel état j’erre ? Cela m’amène donc en effet à cette question où mettre ces broderies, je me pose un instant la question du vêtement, mais je renonce rapidement, j’ai besoin de résistance, d’une matière plus rude, le cuir. J’intègre l’Irmacc et je me forme à la maroquinerie aux côtés de Jean Luc Gaffric, créateur du chant du cuir, puis la broderie haute couture avec Elisabeth Gasbarre.
Lilou : Cependant vous le dites vous-même « l’objet ne suffit pas »
Nwll : Effectivement l’objet ne me suffit pas, j’ai besoin de rêve, de recherche, d’aller plus loin de repousser mes limites, je me tourne alors vers l’art contemporain. Même si je prends un énorme plaisir à fabriquer des sacs haut de gamme que je broderais faisant d’eux des pièces uniques, car je suis actuellement la seule maroquinière formée au haut de gamme qui soit également brodeuse haute couture en France. Cela me donne une double casquette de plasticienne et d’artisane d’art chaque activité nourrissant l’autre. A l’heure actuelle, je suis en cours de finition de mon année d’Irmacc (institut régional des métiers d’arts et de la création contemporaine), je prépare avec mes camarades ma première expo qui aura lieu du 11 au 18 septembre 2021 à la Maison de la culture de Firminy et je prépare également le concours du Grand Prix de la Pinacothèque du Luxembourg avec les créations sur lesquelles je travaille actuellement.
Lilou : Plasticienne maniant le cuir, brodeuse haute couture, vous travaillez également le métal : comment en êtes-vous arrivée à explorer ces différentes techniques ?
Nwll : Je suis une chercheuse dans l’âme et ce que j’aime par-dessus tout c’est rencontrer des obstacles et trouver des solutions pour aller au-delà. Au début il y avait la broderie, que j’ai décidé d’associer au cuir, j’aimais ce contraste de la délicatesse de la broderie et la “virilité” du cuir. Le métal est venu d’une certaine logique, travaillant sur une sculpture, je me suis posée la question de la structure. Je désirais vraiment rester dans des matériaux non chimiques, afin de rester en adéquation avec ma démarche artistique de valorisation de matériaux nobles et naturels. Je travaille sur la trace que nous laissons derrière nous, animal, végétal, métal et comment permettre à chaque être d’accéder à son immortalité, en étant assuré de voir ses volontés respectées.
Lilou : Vos œuvres en broderie sont très oniriques, quelles sont vos sources d’inspiration ?
Nwll : J’ai grandi, bercée par les mythes égyptiens et grecs (les grands mythes égyptiens étaient mon livre de chevet), ensuite les légendes arthuriennes, les grandes femmes de pouvoirs, les mythes celtes et vikings et les histoires de fées ont accompagnés mon développement et j’avoue que je ne peux toujours pas m’en passer.
Lilou : Quelles techniques utilisez-vous et quels sont vos matériaux préférés ?
Nwll: En broderie j’utilise le crochet de Lunéville et la peinture à l’aiguille. De temps à autres j’introduis de la passementerie. J’ai une prédilection pour les fils d’or et d’argent, le fil de soie japonais utilisé pour le Nuido ainsi que pour les pierres précieuses ou perles de culture.
J’ai l’impression de travailler un bijou en brodant et je trouve cela très agréable. J’aime travailler les petites perles de verre (13/14/15), ainsi que les paillettes de 2 ou 3 mm, je trouve le résultat moins fin avec des matériaux plus gros. Pour moi, le plus important dans une broderie est l’impression de légèreté qui doit s’en dégager, même si l’ouvrage est chargé. C’est pour cette raison que j’aime broder sur de l’organza, la transparence du tissu apporte une féérie au travail. On a l’impression qu’il tient debout par magie.
Lilou : Mon petit doigt m’a dit qu’un livre était en préparation, vous souhaitez nous en parler ?
Nwll : Il s’agit d’un livre d’art unique qui sera exposé en septembre et proposé au concours. J’ai écrit un conte sur la transmission pour ma nièce il y quelque temps et je me suis décidée à le broder. Je brode en couchure de cheveux la première et la dernière page (l’écriture), le reste du conte est écrit au crochet de Lunéville. Chaque page est accompagnée de son illustration également brodée. C’est un projet un peu fou, qui pour l’instant m’a déjà pris 114h de travail, sachant que je n’en ai pas fait le 5ème. Mais c’est exactement le genre de défi dont je suis dingue !!
Un grand merci à elle d’avoir accepté cet article, une jolie découverte et des échanges enrichissants !
Nous ne manquerons pas de vous donner des nouvelles de Nwll.B!
Et dans le prochain article vous découvrirez le travail de Myriam deux trois graines qui a également accepté de se prêter au jeu des questions réponses!